Les instruments juridiques existant en matière de lutte contre le harcèlement moral

Section 1 : le droit écrit

Section 2 : les apports jurisprudentiels

SECTION 1 : LE DROIT ECRIT

1/ Sur le fond : articles L. 1152-1 à L.1152-6 du Code de travail

A) Les principes de la prohibition du harcèlement moral

Le harcèlement moral comprend aussi bien le harcèlement moral émanant du supérieur hiérarchique comme des collègues.

Article L1152-1

Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Article L1152-2

Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Article L1152-3

Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Article L1152-4

L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

B) La mise en œuvre du principe

1- La sécurité et la protection des travailleurs sur leur lieu de travail

C’est le titre IV du Code du travail qui est consacré à ces obligations, et qui détermine les moyens devant être mis en place au sein de l’entreprise pour que ces obligations soient pleinement efficaces.

Concernant le harcèlement moral en particulier, trois types de dispositions participent de la prévention et de la prise en compte d’un tel phénomène par le législateur. Il faut distinguer selon qu’il s’agit d’obligations incombant à l’employeur, de droits accordés au salarié, ou de l’instauration d’un organe collectif spécifique dont la mission consiste notamment à prévenir les risques professionnels possibles pour les salariés.

a. Obligation de sécurité incombant à l’employeur

Cette obligation est codifiée aux articles L. 4121-1 et suivants du Code de travail.

Article L. 4121-1

L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

Article L. 4121-2:

L’employeur met en œuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants [notamment] :

4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral, tel qu’il est défini à l’article L. 1152-1 ;

b. Droits accordés au salarié

Le salarié qui se trouverait face à une situation de danger grave et imminent pour sa santé se voit octroyé un droit d’alerte ainsi qu’un droit de retrait, clairement posés à l’article L.4131-1  du Code du travail.

Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.

Il peut se retirer d’une telle situation.

L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection.

Le salarié ne peut pas être sanctionné pour avoir actionné un tel droit (article L. 4131-3 Code du Travail).

c. Le comité d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail (CHSCT)

Un tel comité n’est institué que dans les entreprises de plus de 50 salariés.

Ses missions sont déterminées aux articles L.4611-1 et suivants du Code du travail.

Le CHSCT a  pour but de contribuer à la protection de la santé physique et mentale des salariés ainsi qu’à amélioration de leurs conditions de travail et peut proposer des actions à mener dans le sens de sa mission.

2- Moyens de règlement d’une situation de harcèlement moral

a. Médiation

Article L1152-6 :

Une procédure de médiation peut être mise en œuvre par toute personne de l’entreprise s’estimant victime de harcèlement moral ou par la personne mise en cause.

Le choix du médiateur fait l’objet d’un accord entre les parties.

Le médiateur s’informe de l’état des relations entre les parties. Il tente de les concilier et leur soumet des propositions qu’il consigne par écrit en vue de mettre fin au harcèlement.

Lorsque la conciliation échoue, le médiateur informe les parties des éventuelles sanctions encourues et des garanties procédurales prévues en faveur de la victime.

b. Sanctions

Sanctions disciplinaires : Article L1152-5 du Code du travail

Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d’une sanction disciplinaire.

Sanctions pénales

ü  A l’égard de l’employeur : Article L1155-2 du Code du travail

Les faits de harcèlement moral et sexuel, définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, sont punis d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 Euros.

La juridiction peut également ordonner, à titre de peine complémentaire, l’affichage du jugement aux frais de la personne condamnée dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal et son insertion, intégrale ou par extraits, dans les journaux qu’elle désigne. Ces frais ne peuvent excéder le montant maximum de l’amende encourue.

ü  A l’égard de l’auteur du harcèlement moral à caractère sexuel: article 222-33-2 du Code pénal

Le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende.

2/ La procédure : aménagement de la charge de la preuve au profit du harcelé – Article L. 1154-1 Code du Travail.

C’est la procédure civile qui est retenue ici, mais ce n’est pas le principe général de l’article 9 du code de procédure civile qui s’applique, et selon lequel toute faute alléguée doit être prouvée.

En effet la charge de la preuve de la faute est adaptée ; la personne qui invoque un harcèlement n’est pas tenue de prouver ce harcèlement, mais seulement « d’établir les faits qui permettent de présumer l’existence d’un tel harcèlement ».

La partie défenderesse devra alors prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge ne statuera qu’alors, au vu des éléments rapportés par les parties, selon la procédure aménagée de l’établissement de la preuve.

Section 2 : les apports jurisprudentiels

  • Les arrêts « amiante », Cour Cass. Ch. Sociale 28 février 2002 (99-17201)

Le juge pose pour la première fois le principe selon lequel le contrat de travail fonde pour l’employeur une obligation de sécurité de résultat à l’égard de ses employés.

« En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l’entreprise ; le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ».

  • Cour Cass. Ch. Sociale, arrêt n° 1733 du 21 juin 2006 (05-43.914 à 919)

Apport : l’obligation de sécurité de résultat qui incombe à l’employeur en matière de santé et de sécurité s’étend aussi au harcèlement moral exercé par un salarié à l’égard de ses subordonnés hiérarchiques.

Mais attendu, d’une part, qu’[ …] aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que, d’autre part, la responsabilité de l’employeur, tenu de prendre […] les mesures nécessaires à la prévention des risques professionnels liés au harcèlement moral n’exclut pas la responsabilité du travailleur auquel il incombe, selon l’article L. 230-3 du même code, de prendre soin de la sécurité et de la santé des personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail ; qu’il résulte de ces dispositions spécifiques aux relations de travail au sein de l’entreprise, qu’engage sa responsabilité personnelle à l’égard de ses subordonnés le salarié qui leur fait subir intentionnellement des agissements répétés de harcèlement moral ;

«D’où il suit qu’ayant retenu que le directeur de l’association, M. X…, avait sciemment harcelé moralement, au sens de l’article L. 122-49 du code du travail, des salariés qui lui étaient subordonnés, c’est à bon droit que la cour d’appel l’a condamné à leur verser des dommages-intérêts ; que le moyen n’est pas fondé. ».

  • Cour Cass. Ch. Sociale, 10 novembre 2009, (08-41497)

Apport de l’arrêt : Définition du harcèlement moral par le juge sur le fondement des dispositions de l’article L. 1152-1 du code du travail : le harcèlement moral existe indépendamment de l’intention de son auteur.

Il ressort ainsi de l’article L. 1152-1 du Code du travail que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l’intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel.

D’autre part,  l’arrêt illustre l’aménagement de la charge de la preuve au profit du salarié, tel qu’il est posé par l’article L.1154-1 du Code de travail, en ce qu’il affirme que la preuve d’un tel harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié.

  • Application récente : Cour Cass. Ch. Sociale, arrêt n° 294 du 3 février 2010 (08-40.144)

Attendu […] que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu’un salarié est victime sur le lieu de travail de violences physiques ou morales, exercées par l’un ou l’autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements.

Liens vers les articles et arrêts

Articles du Code du travail :

http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006072050&dateTexte=20100610

Jurisprudence :

www.legifrance.gouv.fr

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